L'INDEPENDANT, jeudi 30 mars 2006
Mort d’Amélie: les trois médecins n’ont pas commis de "faute grave"
Les docteurs Cohen, Gounelle et Bernier, qui avaient participé à l’opération d’Amélie Birembaux, en septembre 2004, ont été relaxés hier par le tribunal correctionnel de Toulouse. Le tribunal n’a pas retenu à leur encontre de "faute grave et caractérisée", mais de simples "erreurs".
Visages tendus, et sans un mot de commentaire, les docteurs Cohen et Bernier (le docteur Gounelle ne s’était pas déplacé) ont accueilli avec beaucoup de discrétion la décision rendue hier par le tribunal correctionnel de Toulouse. Deux mois après les débats, les juges ont relaxé les trois médecins qui étaient poursuivis pour leur participation à l’opération de l’appendicite, en septembre2004, de la petite Amélie, 9 ans. La fille de leur collègue pédiatre Xavier Birembaux, qui exerçait avec eux à la clinique Montréal de Carcassonne, était morte suite à une perforation de l’artère iliaque décelée trop tard.
Aléa thérapeutique
Dans son jugement (dont L’Indépendant s’est procuré une copie), le tribunal a bien séparé les cas des trois praticiens. Pour le chirurgien, Patrick Cohen, il s’agissait de savoir s’il avait commis une faute dans l’utilisation de la technique chirurgicale de la coelioscopie sur un enfant, technique qui implique que le premier geste d’intrusion dans l’abdomen se fait "à l’aveugle". Le chirurgien aurait-il dû pratiquer une "open-cœlio", technique qui permet de minimiser le risque d’accident opératoire? Selon le tribunal, il n’y pas de "certitude des données acquises de la science". La perforation d’une artère en début d’opération est donc de l’ordre, poursuivent les juges de "l’aléa thérapeutique". D’autant que le docteur Cohen, rappelle le jugement, s’était aperçu dès le début de cette perforation et pensait avoir stoppé l’hémorragie. Le tribunal considère donc que si le chirurgien n’est pas réintervenu, neuf heures après l’opération, lorsque le soupçon de rupture d’une grosse artère s’est confirmé, constitue cette fois "une erreur de diagnostic", et donc toujours pas une "faute grave". Concernant l’anesthésiste, le docteur Jean-Pierre Gounelle, il lui était reproché de n’avoir pas réalisé, malgré des analyses de sang alarmantes, que l’enfant était en train de perdre son sang. "La seule faute qui peut lui être imputée est d’avoir sous estimé la situation de sa patiente", ce qui "ne peut être qualifié de faute caractérisée au plan pénal", répond le tribunal.
Une affaire "civile"
Enfin, concernant le radiologue, le docteur Jacques Bernier, on lui reprochait d’avoir tardé à analyser avec précision le scanner pratiqué sur Amélie et de n’en avoir donné une interprétation correcte (hémorragie d’un gros vaisseau) que trois heures plus tard. Concernant la première lecture du scanner, les juges admettent "l’erreur", mais précisent que le docteur Bernier, "lorsqu’il a réalisé de manière approfondie" sa lecture de l’image, "a immédiatement alerté les autres médecins. A ce moment-là, la réintervention sur l’enfant était encore possible. Mais la décision ne relevait pas de lui", conclut le tribunal. "C’est une juste application de la loi de juillet2000 qui exige, pour que l’homicide involontaire soit reconnu, une faute grave et caractérisée. Quelle que soit l’émotion, bien compréhensible, que soulève cette affaire, elle n’est pas du ressort du droit pénal mais du droit civil", a commenté Me Georges Lacœilhe, avocat du docteur Cohen.
"On se demande quand les médecins seront enfin responsables au plan pénal", s’est insurgé pour sa part l’avocat des parents d’Amélie. Reste à savoir si le procureur, seule habilité, fera appel de cette décision. Peu probable: lors de l’audience, le parquet n’avait demandé aucune peine contre les trois médecins et s’en était "remis à al décision du tribunal". Il serait étonnant qu’il la conteste.
Laurent Rouquette