jeudi, mai 24, 2007

Minute n° 2307 DU 9 MAI 2007 (III)

La colère d’un père
« Les victimes n’ont qu’un droit, celui de se taire ! »


Xavier Birembaux est le papa de la petite Amélie. Lui-même est pédiatre et exerce aujourd’hui en Guadeloupe. Dans « Minute », il vide son sac. Et dénonce un système qui protège les médecins incompétents.

Minute : Depuis la mort d’Amélie, vous vous battez pour que les médecins responsables soient condamnés. Le tribunal correctionnel de Toulouse les a pourtant relaxés ?

Xavier Birembaux : Au pénal, à notre très grande surprise, nous avons été déboutés, malgré des éléments qui prouvaient la faute caractérisée. Il y a un rapport d’expertise qui souligne que les soins n’ont pas été conformes aux données actuelles de la science, que des recommandations de 1996, émanant de la Haute Autorité de Santé, n’ont pas été suivies… À la clinique, il y avait donc un chirurgien qui, depuis huit ans, opérait les enfants sans tenir compte de ces recommandations officielles. Il a pourtant été relaxé. De façon étonnante, le procureur de la République n’a pas fait appel de cette décision. Et comme en France il n’y a que le procureur et les coupables qui peuvent faire appel, les victimes n’ont qu’un droit, celui de se taire.

Le conseil régional de l’ordre des médecins a cependant sanctionné le chirurgien et l’anesthésiste ?

Il faut savoir qu’en France, le conseil de l’ordre ne juge pas les erreurs médicales à proprement parler : il sanctionne les manquements au code de dé­ontologie. En gros, si vous êtes un incompétent no­toire mais que vous respectez le code de déontologie, le conseil de l’ordre n’a pas à sanctionner votre médiocrité professionnelle. Dans le dossier transmis au conseil régional, il y avait cependant les preuves que ces médecins ont manqué à leur devoir. Ces gens nous ont trahi, ils nous ont menti. De ce fait, le conseil ordinal les a bien évidemment sanctionnés. Pas forcément très lourdement, seulement deux mois d’interdiction d’exercer, mais il y avait une sanction, une décision symbolique. Pour nous c’était le plus important. De toute façon, même si on considérait cette sanction insuffisante, nous n’avions rien à dire, puisque là aussi les victimes ne peuvent pas faire appel.

Mais les médecins sanctionnés ont fait appel, et coup de théâtre, le 21 mars dernier, le conseil national de l’ordre les a blanchis…

Alors là, on est tombés de haut ! C’est une décision inique, une décision stalinienne ! Quand l’ordre affirme qu’il est là pour défendre l’intérêt des ma­lades, cela devient burlesque ! Dans les faits, ils font l’inverse. Actuellement en France, l’erreur médicale est autorisée, parce que le système est fait pour protéger de façon honteuse le citoyen médecin. Tout est mis en place pour défendre les médecins… Bien évidemment tous ne sont pas malhonnêtes et incompétents mais on a parfois affaire à des fieffés coquins et à des voyous. Il est temps de faire le ménage. Le conseil devrait le faire mais il ne veut pas assurer cette mission.

Qu’allez-vous faire ?

Compte tenu de cette situation ubuesque, nous avons déposé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État. A priori, nous serons déboutés parce que la loi stipule que nous ne sommes pas directement concernés par les décisions du conseil de l’ordre ! Mais c’était essentiel pour nous de le fai­re, pour passer à l’étape suivante, saisir la Cour eu­ropéenne de Justice. Vous comprenez, pour les imbéciles que nous sommes, les petits citoyens de base, c’est la seule façon de se faire entendre.

Il est scandaleux que dans un pays comme la France les victimes n’aient aucun droit. On ne mène pas ce combat pour se faire indemniser, on n’en a rien à faire ! Quand on nous tue notre enfant, on n’attend pas une indemnisation, qui ne serait d’ailleurs pas à la charge des médecins mais payée par une assurance. Mais il faut s’insurger contre ce pays qui protège les nantis, il faut faire avancer les choses, obtenir qu’un médecin qui a mal fait son boulot soit condamné !

Propos recueillis par Pierre Tanger

Minute n° 2307 DU 9 MAI 2007 (II)

La clinique se fout-elle de la charité ?

Lorsque le drame est survenu, en septembre 2004, il y avait une passation de pouvoir à la clinique Montréal entre l’ancien directeur, Olivier Debay, et son successeur désigné, Denis Baudinaud. Le papa d’Amélie, Xavier Birembaux, estime que les deux hommes auraient dû ordonner une enquête interne afin de comprendre dans quelles conditions la fillette était décédée. Pourquoi n’y en a-t-il pas eu ?
« Minute » a tenté de joindre l’actuel directeur, Denis Baudinaud. Mais l’homme étant très occupé, c’est sa collaboratrice, Véronique Molière, qui a accepté de nous répondre : « Dans ce cas de situation, c’est l’ARH, l’Agence régionale de l’hospitalisation, sous la tutelle directe du ministère de la Santé, qui a diligenté une enquête au sein de l’établissement, une enquête sur la sécurité anesthésique et sur les pratiques opératoires. Cette enquête de l’ARH n’a révélé aucune anomalie du point de vue de l’établissement. »
Oui, mais bon, il y a quand même eu la mort d’une enfant ? « Les médecins qui exercent à la clinique sont des praticiens libéraux, donc il y a une vraie séparation : il y a d’un côté les praticiens libéraux et de l’autre l’établissement, qui leur fournit un outil de travail. Les problèmes juridiques, cela concerne le chirurgien et l’anesthésiste, ça n’a plus rien à voir avec l’établissement lui-même, cela n’engage pas la responsabilité de la clinique. »
Si on lit les conclusions du rapport de l’ARH, tout cela est moins évident. Si ce rapport souligne effectivement que, depuis la mort d’Amélie, le chirurgien a changé de mode opératoire et suit désormais à la lettre les recommandations de la Haute Autorité de Santé (qu’il a ignorées durant huit ans !), il mentionne toutefois que « l’établissement ne dispose pas de la totalité du matériel préconisé par les recommandations publiées en septembre 2000. » Et quoi qu’il en soit, une clinique n’est pas un simple « outil de travail », ses responsables doivent s’assurer de la compétence des praticiens libéraux qui viennent y exercer.
Est-ce que le chirurgien et l’anesthésiste impliqués dans la mort d’Amélie sont toujours en fonction à la clinique ? Réponse embarrassée de Véronique Molière : « Heu, oui, j’ai un doute, mais je pense que oui. »
Nous avons également décidé de contacter l’ex-directeur, Olivier Debay, ancien directeur départemental du Medef, président du syndicat régional de la fédération hospitalière privée et vice-président de la Haute Autorité de Santé au moment des faits. Bref un notable. Il était malheureusement injoignable, mais nous avons pu converser avec sa compagne, qui, dans un premier temps, nous a pris de haut : « Vous savez, l’affaire a été jugée, le conseil de l’ordre a tranché. De toute façon, il est fou le père Birembaux. » Fou, le père d’une gamine de 9 ans morte suite à une opération qui a mal tourné ? Indignation de notre journaliste : « Madame, les propos que vous tenez sont scandaleux ! » Notre interlocutrice met alors la pédale douce : « Attendez, laissez-moi finir, vous avez mal compris, je voulais dire fou de douleur, c’est terrible ce qu’il lui est arrivé. C’est affreux mais bon. Ce que vous pouvez faire, c’est appeler le directeur de la clinique Montréal. » C’était déjà fait, madame.
Pierre Tanger

Minute n° 2307 DU 9 MAI 2007 (I)

Erreur médicale

L’ordre des médecins donne un coup de Javel sur les blouses blanches

L’ordre des médecins prétend défendre les « principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine ». Dans l’affaire de la mort d’Amélie, il a protégé les toubibs. Le conseil national vient de blanchir un chirurgien et un anesthésiste éclaboussés par le décès de cette petite fille de neuf ans dans une clinique de Carcassonne.

Le 3 mai, Amélie aurait eu 12 ans. Malheureusement, elle n’est plus de ce monde. Elle est décédée le 3 septembre 2004 à la clinique Montréal de Carcassonne dans l’Aude. Non pas d’une maladie incurable mais des suites d’une banale opération de l’appendicite. Retour sur cette journée en enfer. A 8 h 15, le chirurgien débute l’opération. Il perfore l’artère iliaque droite mais n’évalue pas la gravité de sa bé­vue. Amélie est transférée en salle de réveil. Vers midi, l’anesthésiste note des pertes sanguines anormales sans pour autant s’alarmer. À 15 h 00, le ra­diologue pratique un scanner mais il n’en analyse pas attentivement les ré­sultats, car il y a d’autres malades dans la salle d’attente. Ce n’est finalement qu’à 18 h 00 qu’une lecture plus attentive de ce scanner permet de déceler une grave hémorragie au niveau de l’artère ! Plutôt que de réopérer en ur­gence la petite fille, on préfère alors s’en débarrasser : Amélie est transférée vers l’hôpital des Enfants de Toulouse. Il est trop tard. Malgré une opération de la dernière chance, Amélie ne va pas s’en tirer. À 0 h 15, son décès est officialisé.

Un rapport d’expertise accablant

Aux parents, on explique que c’est la faute à pas de chance. Mais pas de chance pour les menteurs, les parents d’Amélie connaissent les règles de l’art. Le père, Xavier Birembaux, est pédiatre à la clinique… Montréal, et la mère, Caroline, médecin biologiste. Ils découvrent rapidement que le chirurgien n’a pas pris toutes les précautions nécessaires. Pour cette opération, il a utilisé la technique de la « coeliochirurgie », alors que des recommandations médicales de 1996, qui émanent de la Haute Autorité de Santé, stipulent que cette technique représente un danger quand il s’agit d’enfants. Bref le chirurgien a ignoré les consignes de la Hau­te Autorité, dépendant du ministère de la Santé, qui, en pédiatrie, préconisent de pratiquer une « open coelioscopie ».
Les parents d’Amélie décident de porter plainte contre le chirurgien, l’anesthésiste et le radiologue. En juin 2005, un rapport d’expertise ordonné par le tribunal de grande instance de Toulouse est rendu. Il est accablant. Le chirurgien, le docteur C., est sévèrement épinglé : « Les soins n’ont pas été diligents et conformes aux règles de l’art et aux données acquises de la science […] car la pratique de l’open coelioscopie aurait incontestablement évité la perforation de l’artère iliaque et la conversion chirurgicale aurait permis de contrôler l’hémorragie. »
Le chirurgien a d’ailleurs avoué être passé outre les recommandations de 1996 : « Pendant la réunion d’expertise, le Dr C. dit ne pas avoir pris connaissance des recommandations concernant l’appendicite chez l’enfant. » Pire, il n’a pas informé les parents du danger que courrait leur fille : « Le Dr C. n’a jamais exposé aux parents d’Amélie les risques propres à la coeliochirurgie, ce défaut d’information est d’autant plus préjudiciable que la littérature médicale émet les plus fortes réserves sur la coeliochirurgie pédiatrique. » Le rapport souligne aussi que le chirurgien, l’anesthésiste et le radiologue ont accumulé les boulettes : « Tout au long de la journée les docteurs se sont rassurés et n’ont pas pris en compte l’importance de la déglobulisation […] Une telle perte sanguine imposait une ré-intervention chirurgicale dans les plus brefs délais. »

Deux mois de suspension, c’était encore trop…

Et enfin, quand ils ont compris leur erreur, ils ont caché la vérité : « Il est tout aussi regrettable qu’ils n’aient pas cru devoir avertir les parents d’Amélie de ce diagnostic, pas plus que les médecins transporteurs du Samu de Carcassonne. Le diagnostic aurait dû conduire les médecins concernés à considérer que l’enfant était intransportable. »
Malgré ce rapport lourd comme un acte d’accusation, en mars 2006, le tribunal correctionnel de Toulouse décide de relaxer les trois médecins. Leurs négligences et leurs erreurs ne constitueraient pas des fautes graves. Pour les parents, c’est dur à avaler, mais ils ont encore un espoir que les trois hommes soient sanctionnés… mais par leurs pairs. Les époux Birembaux ont en effet saisi le conseil de l’ordre des médecins.
Si le conseil départemental de l’Aude (alors présidé par un chirurgien exerçant à la clinique Montréal) fait la sourde oreille, le conseil régional du Languedoc-Roussillon va prendre ses responsabilités. Estimant qu’en passant outre les re­commandations des autorités de Santé et qu’en prenant les parents d’Amélie pour des imbéciles ils n’ont pas respecté le code de déontologie, le conseil va condamner le chirurgien et l’anesthésiste à 12 mois d’interdiction d’exercer la médecine, dont 10 avec sursis. Certes, la sanction est légère mais elle est symbolique. Pour une fois, des médecins osent souligner que certains d’entre eux ne sont pas irréprochables.
Cette tache sur la profession, le conseil national vient toutefois de la faire disparaître. Le 21 mars dernier, saisi en appel par les deux sanctionnés, le conseil national a la­vé les blouses blanches de tout soupçon ! Bref, si Amélie est morte, ça serait bien la faute à pas de chance. Pour Xavier Birembaux (voir notre entretien), c’est la goutte qui fait déborder le vase. Dégoûté mais pas abattu, il promet de poursuivre le combat afin que ceux qui sont responsables de la mort de sa petite Amélie soient officiellement démasqués.
Pierre Tanger

mardi, mai 15, 2007

LE PARISIEN 3 Mai 2007 (III)
«Ils ont blanchi leurs pairs, c'est scandaleux»
Xavier BIREMBAUX, 38 ans, pédiatre, père d'Amélie
Comment avez-vous réagi au verdict du conseil national de l'Ordre ?
Xavier Birembaux. Lorsque nous avons reçu une simple «copie pour information» du jugement, ma femme et moi avons pleuré pendant trois jours. Nous étions d'autant plus sous le choc que, pour nous, le conseil national allait amplifier les sanctions : à nos yeux, le conseil régional de l'Ordre (NDLR : du Languedoc-Roussillon) avait été trop gentil.
C'est-à-dire ?
A aucun moment, on ne nous a exposé les risques d'une coélioscopie sur une enfant. Et, tout au long de cette terrible journée, on nous a tenus à l'écart, en nous dissimulant même le fait qu'une artère avait été touchée ! Pour moi, il y a homicide et non-assistance à personne en danger. Pis, quand on a transférée Amélie, c'était juste pour qu'elle meure ailleurs.
Comment s'est passée l'audience au conseil national de l'Ordre ?
C'était surréaliste : certes, on m'a laissé parler, mais ensuite, on ne m'a posé aucune question ! Prise de risque, assistance au malade... je pensais que les juges ordinaux allaient comparer le code de déontologie médicale avec les conclusions - sans appel - des rapports d'expertise. Or, ces rapports n'ont même pas été évoqués...
Que dit la décision ?
Non seulement, les arguments du chirurgien comme de l'anesthésiste sont détaillés sur une page, tandis que les notres sont réduits à deux lignes, mais cette décision évoque «les autres pièces produites» au dossier. Que disent-elles ? Où sont-elles ? Mystère. Avant, je croyais dans le conseil de l'Ordre. En fait, cette institution fantoche est arc-boutée sur l'intérêt des médecins. Ils ont blanchi leurs pairs, c'est scandaleux.
Comment l'expliquez-vous ?
Ce jugement n'étant basé sur aucun élément médical nouveau, je me pose la question : y a-t-il eu des pressions au plus haut niveau ? Ce qui est sûr, c'est que ce dossier est également politique : le directeur de la clinique Montréal est, aussi, une personnalité en vue de la Haute Autorité de Santé, celle-là même qui édicte les recommandations médicales... méconnues du chirurgien qui a opéré Amélie.
Dans quel état d'esprit êtes-vous ?

Hospitalisée pour une simple appendicite, ma fille est morte parce que des médecins ont mal fait leur travail. Et, deux ans et demi après, nous devons encore nous justifier ! Seulement voilà, je le rappelle, ma femme et moi sommes médecins, nous savons donc lire les rapports d'expertise, nous comprenons tout. Or, depuis le début, on se fout de nous. Si nous, nous baissons les bras, qui, en France, aura la moindre chance de gagner ce genre de combat ? Voilà pourquoi nous venons de déposer un recours devant le conseil d'Etat.
Et sinon ?
Nous irons devant la Cour Européenne de Justice. Il est temps de faire respecter l'Etat de droit. Aujourd'hui, je me tourne, aussi, vers les candidats à la présidentielle : si l'Etat veut être crédible, aucun citoyen, aucune institution ne doit être au dessus des lois.

Propos recueillis par Odile Plichon

LE PARISIEN 3 Mai 2007 (II)
Un parcours du combattant juridique

. Septembre 2004. Décès d'Amélie Birembaux à la clinique Montréal de Carcassonne (Aude).
. Juillet 2005. Le conseil de l'Ordre de l'Aude se réunit... mais ne décide rien. Précisons que le président du conseil départemental de l'Aude est aussi chirurgien vasculaire à... la clinique Montréal.
. Juin 2005. Un rapport contradictoire (rédigé par des experts désignés par le TGI de Toulouse) accable les médecins d'Amélie. «Tout au long de la journée (...) les docteurs (...) se sont rassurés et n'ont pas pris en compte l'importance de la déglobulisation (...). Une telle perte sanguine imposait une ré-intervention chirurgicale dans les plus brefs délais afin de connaître l'origine de l'hémorragie.» En fin de journée, le chirurgien a caché la vérité aux parents, comme au médecin du CHU qui devait réopérer Amélie. Les «soins n'ont pas été diligents et conformes aux règles de l'art et aux données acquises par la science». «Le Dr (...) dit ne pas avoir pris connaissance des recommandations (...) concernant l'appendicite chez l'enfant». «Le diagnostic aurait dû conduire les médecins concernés à considérer que l'enfant était intransportable», etc.
. Mars 2006. En dépit de ce rapport, le tribunal correctionnel de Toulouse relaxe les trois praticiens de la qualification d'«homicide involontaire», aucun d'eux n'ayant commis une «faute grave et caractérisée» selon lui. Pendant l'audience, le représentant du parquet souligne d'ailleurs qu'une erreur de diagnostic n'est pas une faute grave. Fait rarissime, enfin, le Procureur de la République refuse de suivre la famille dans sa décision de faire appel...
. Juillet 2006. Le conseil régional de l'Ordre des médecins de Montpellier, habilité à prononcer des peines pour les manquements à la déontologie médicale, sanctionne le chirurgien et l'anesthésiste à douze mois d'interdiction d'exercer la médecine, dont dix avec sursis. Le radiologue écope d'un avertissement. Cette décision ne sera rendue publique qu'en septembre 2006, par affichage. Seuls les deux premiers feront appel.
Mars 2007. La section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins «annule» les sanctions.
O.P.

lundi, mai 14, 2007

LE PARISIEN DU 3 MAI 2007 (I)
Décès d'Amélie Birembaux

Le conseil national de l'Ordre en accusation
Un chirurgien qui ne suit pas des recommandations médicales édictées en 1996. Qui perfore une grosse artère au cours de l'opération, sans ré-intervenir après. Un scanner montrant une forte hémorragie interne, qui ne sera lu que trois heures plus tard. Des parents menés en bateau pendant des heures. Une petite fille transférée ailleurs, plutôt que d'être réopérée en urgence. Une vertigineuse chaîne de ratés humains et médicaux. Avec, au bout, la mort d'Amélie Birembaux, 9 ans, victime d'une hémorragie fatale après quinze heures d'agonie, alors qu'elle devait subir une banale ablation de l'appendice. C'était le 3 septembre 2004, à la clinique Montréal de Carcassonne. Depuis ce terrible jour, les parents d'Amélie, tous deux médecins - le père était même pédiatre dans cette clinique -, ont décidé de se battre, afin de faire émerger la vérité. Au nom de leur petite fille disparue. Mais aussi, au nom du «droit des malades», encore trop souvent bafoué.
Bafoué. Balayé. Torpillé. Et pire encore, depuis fin mars, disent-ils : alors qu'en juillet 2006 (lire le parcours du combattant, ci-dessous), deux des trois médecins mis en cause avaient été lourdement condamnés par le conseil régional de l'Ordre du Languedoc-Roussillon, à douze mois d'interdiction d'exercer la médecine (dont dix avec sursis), fin mars 2007, le conseil national de l'Ordre vient tout bonnement... d'annuler cette décision, en appel. En clair ? Les praticiens ont été blanchis.
Comment une telle décision est-elle possible, alors même que deux rapports d'expertises, totalement indépendants (en ligne sur le site «amelieb.com») sont aussi accablants l'un que l'autre - «les soins n'ont pas été diligents et conformes aux (...) données acquises par la science», une «hémorragie importante» a été «sous-estimée», etc. ? Installé en Guadeloupe depuis le drame, mais présent à Paris en mars, Xavier Birembaux accuse : «ces expertises n'ont en fait même pas été utilisées». Et d'accuser le conseil de l'Ordre d'être une institution «fantoche», avant tout soucieuse de «protéger ses pairs».
L'Ordre des médecins se relèvera-t-il de ce nouveau scandale ? Mi-février, dans nos pages, nous révélions déjà l'existence de juteuses indemnités ainsi que de «parachutes dorés» en fin de mandat, alloués à certains élus du conseil de l'Ordre de Paris - depuis fin mars, une enquête de l'Inspection générale des Affaires sociales est d'ailleurs en cours. Mais ces dysfonctionnements financiers ne sont rien au regard d'une autre interrogation, bien plus troublante celle-là : les conseils de l'Ordre des médecins protègent-ils, vraiment, les malades, lorsque cela est nécessaire ? Au vu d'un certain nombre de faits, la question n'est pas superflue.
Car nous avons découvert, au cours de cette enquête, que lors d'un procès devant une instance ordinale, seul... le médecin peut pour l'heure se pourvoir en appel (lire l'encadré ci-dessous) ! C'est d'ailleurs en utilisant cette «faille» que les praticiens de Carcassonne ont obtenus d'être rejugés (et comment...) au niveau national.
Autre point : si, lorsqu'un meurtrier ou un délinquant est condamné, son nom tombe dans le domaine public en quelque sorte, les (rares) médecins condamnés par le conseil de l'Ordre bénéficient d'un véritable traitement de faveur : la sanction n'est pas envoyée au directeur de l'établissement où il exerce, ni à ses patients (que cela pourrait peut-être intéresser. Tout juste est-elle affichée, pendant... un mois, au conseil de l'Ordre où la sentence a été prononcée. «Mais rien n'empêche les personnes qui le désirent d'aller consulter la liste des sanctions», précisait, pince-sans-rire, le secrétaire général du conseil national de l'Ordre des médecins, Jacques Lucas, lors d'une interview à Paris Match en 2006.
Conseil d'Etat, voire cour européenne de Justice... Xavier Birembaux (et sa femme), lui, mènera son combat «jusqu'au bout». Outre la condamnation des médecins qui lui ont «pris» leur fille, il réclame un vrai débat sur l'évaluation des pratiques médicales, mais aussi sur les missions du Conseil de l'Ordre des médecins, en qui il ne croit plus. Et se tourne, aujourd'hui, vers les candidats à la présidentielle : «Peuvent-ils me garantir que nous sommes bien dans un Etat de droit ?»
Odile Plichon