mardi, mai 15, 2007

LE PARISIEN 3 Mai 2007 (III)
«Ils ont blanchi leurs pairs, c'est scandaleux»
Xavier BIREMBAUX, 38 ans, pédiatre, père d'Amélie
Comment avez-vous réagi au verdict du conseil national de l'Ordre ?
Xavier Birembaux. Lorsque nous avons reçu une simple «copie pour information» du jugement, ma femme et moi avons pleuré pendant trois jours. Nous étions d'autant plus sous le choc que, pour nous, le conseil national allait amplifier les sanctions : à nos yeux, le conseil régional de l'Ordre (NDLR : du Languedoc-Roussillon) avait été trop gentil.
C'est-à-dire ?
A aucun moment, on ne nous a exposé les risques d'une coélioscopie sur une enfant. Et, tout au long de cette terrible journée, on nous a tenus à l'écart, en nous dissimulant même le fait qu'une artère avait été touchée ! Pour moi, il y a homicide et non-assistance à personne en danger. Pis, quand on a transférée Amélie, c'était juste pour qu'elle meure ailleurs.
Comment s'est passée l'audience au conseil national de l'Ordre ?
C'était surréaliste : certes, on m'a laissé parler, mais ensuite, on ne m'a posé aucune question ! Prise de risque, assistance au malade... je pensais que les juges ordinaux allaient comparer le code de déontologie médicale avec les conclusions - sans appel - des rapports d'expertise. Or, ces rapports n'ont même pas été évoqués...
Que dit la décision ?
Non seulement, les arguments du chirurgien comme de l'anesthésiste sont détaillés sur une page, tandis que les notres sont réduits à deux lignes, mais cette décision évoque «les autres pièces produites» au dossier. Que disent-elles ? Où sont-elles ? Mystère. Avant, je croyais dans le conseil de l'Ordre. En fait, cette institution fantoche est arc-boutée sur l'intérêt des médecins. Ils ont blanchi leurs pairs, c'est scandaleux.
Comment l'expliquez-vous ?
Ce jugement n'étant basé sur aucun élément médical nouveau, je me pose la question : y a-t-il eu des pressions au plus haut niveau ? Ce qui est sûr, c'est que ce dossier est également politique : le directeur de la clinique Montréal est, aussi, une personnalité en vue de la Haute Autorité de Santé, celle-là même qui édicte les recommandations médicales... méconnues du chirurgien qui a opéré Amélie.
Dans quel état d'esprit êtes-vous ?

Hospitalisée pour une simple appendicite, ma fille est morte parce que des médecins ont mal fait leur travail. Et, deux ans et demi après, nous devons encore nous justifier ! Seulement voilà, je le rappelle, ma femme et moi sommes médecins, nous savons donc lire les rapports d'expertise, nous comprenons tout. Or, depuis le début, on se fout de nous. Si nous, nous baissons les bras, qui, en France, aura la moindre chance de gagner ce genre de combat ? Voilà pourquoi nous venons de déposer un recours devant le conseil d'Etat.
Et sinon ?
Nous irons devant la Cour Européenne de Justice. Il est temps de faire respecter l'Etat de droit. Aujourd'hui, je me tourne, aussi, vers les candidats à la présidentielle : si l'Etat veut être crédible, aucun citoyen, aucune institution ne doit être au dessus des lois.

Propos recueillis par Odile Plichon