jeudi, avril 20, 2006

Pour information (exemple de la manière dont peut être conduite une enquête dans un accident médical)

Article paru dans la Dépêche du 19 avril 2004

CASTELNAUDARY (11) - SOCIÉTÉ. LES TROIS PRATICIENS HOSPITALIERS COMPARAÎTRONT DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, POUR HOMICIDE INVOLONTAIRE, À LA SUITE DU DÉCÈS D'UNE PATIENTE DE 37 ANS, EN SEPTEMBRE 2001.

Trois médecins de l'hôpital traduits devant la justice


C'est le dernier acte des investigations menées avec persévérance et minutie par le juge d'instruction Garrigues, à Carcassonne: le magistrat, qui enquête sur le décès de Claudine Pélissier, 37 ans, morte lors de son transfert au centre hospitalier de Rangueil, à Toulouse, en septembre 2001, vient d'ordonner le renvoi de trois praticiens hospitaliers devant le tribunal correctionnel, pour homicide involontaire. Deux autres médecins qui ont eu Claudine Pélissier entre leurs mains, pour leur part, bénéficient d'un non lieu. Les cinq médecins avaient été mis en examen par le juge Garrigues en février 2004, à la suite de faits vieux de plus de deux ans.

Dans la nuit du 10 au 11 septembre 2001, alors qu'on la transportait en urgence à Toulouse, Claudine Pélissier, mère de deux enfants, succombait à une série d'arrêts cardiaques qui avait déjà forcé l'ambulance des pompiers à stopper sur l'autoroute à deux reprises, au cours du trajet. C'était un lundi soir. Le samedi, elle avait été admise au centre hospitalier chaurien, pensant souffrir de coliques néphrétiques. Le dimanche soir, son état s'aggravait sensiblement, avec l'apparition d'une fièvre persistante. Le lendemain, en fin de journée, l'état de la jeune femme devenait alarmant. Le transfert était décidé, puis retardé en raison de l'état de santé de la patiente, qui se dégradait de plus en plus.
Dès le lendemain du décès, le compagnon de Claudine Pélissier déposait une plainte auprès de la gendarmerie. Suivait une longue procédure, au cours de laquelle le juge d'instruction s'est attaché à reconstituer, pas à pas, les allées et venues du personnel médical autour de la patiente, et leurs recommandations, jusqu'à l'issue fatale. Il a également sollicité de nombreuses expertises: celle du légiste, bien sûr, mais aussi des médecins-experts de la Ddass, d'un médecin expert auprès de la
cour d'appel, d'autres médecins encore.
Certaines sont très critiques vis-à-vis du fonctionnement du service où Claudine Pélissier avait été admise. Et sans complaisance avec la compétence de certains médecins, renvoyés purement et simplement à leurs polycopiés de deuxième année d'études universitaires, pour n'avoir pas diagnostiqué à temps les complications de ces coliques dont souffrait Claudine Pélissier et qui auraient causé son décès.
Ces rapports, sans complaisance, emploient les termes de «négligence, d'insuffisance et de défaut de surveillance».

Laurent Gauthey


La famille soulagée, les médecins atterrés
«Pour la famille, c'est l'aboutissment d'un combat très difficile, réagissait, hier, Me Georges Catala, du barreau de Toulouse, avocat de la famille et des proches de Claudine Pélissier. Nous avons vécu une fuite de responsabilités où chacun s'est renvoyé la balle. Il aura fallu l'entêtement de la partie civile et aussi la volonté du magistrat pour aboutir à ce résultat». Du côté des avocats des médecins mis en cause, hier soir, les propos étaient très mesurés. «Mon client est médecin, rappelait Me Françoise Mathé, avocate de l'un des praticiens mis en cause. Comme tout médecin digne de ce nom, une telle situation le rend très malheureux.
Dans cette affaire, tout le monde souffre. D'autant que c'est un médecin plein de bonne volonté: son planning d'interventions, le jour du drame, le démontre bien assez». Quant à l'avocat du chef de service, le Dr Durrou, très déçu, escomptait avoir «un non-lieu dans cette affaire où le civil l'emporte sur le pénal», explique Me Deltour.
Les étapes-clefs de «l'affaire Pélissier»
8 septembre 2001. Claudine Pélissier, 37 ans, qui se plaint de violents maux de ventre, est admise aux urgences du centre hospitalier chaurien.
10 septembre 2001. En fin de journée, son état se dégrade. Claudine Pélissier est victime d'une série d'arrêts cardiaques, notamment lors de son transfert à Toulouse. Elle meurt dans la nuit.
11 septembre 2001. Plainte de son compagnon.
13 septembre 2001. Ouverture d'une information judiciaire contre X en recherche des causes de la mort.
29 mars 2002. Ouverture d'une information contre X pour homicide involontaire.
Février 2004. Mise en examen des docteurs Maher Hambali, Thiery Granel, Claire Durroux, Florent Joeliarisoa et Christian Boutel pour homicide involontaire.
6 avril 2006. Les docteurs Hambali, Durroux et Joeliarisoa sont renvoyés devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire. Un non-lieu est prononcé en ce qui concerne les docteurs Granel et Boutel. L'instruction estime qu'ils ont éventuellement fait «preuve d'une méconnaissance des données élémentaires concernant des pathologies qu'ils estimaient pouvoir prendre en charge et d'un défaut de surveillance consécutif, causant involontairement la mort de Claudine Pélissier».


Désormais, ces personnes devront s'expliquer devant la justice. Celle-ci tranchera alors sur leur éventuelle culpabilité. Dans l'attente, ils sont considérés comme innocents des faits qui leur sont reprochés. A l'heure où ces lignes étaient écrites, la date d'audience n'était pas fixée, en ce qui concerne cette douloureuse affaire. Elle le sera dans les jours qui viennent.